Qu'est-ce qui est à la fois brûlant et glacé ? Le baked Alaska, bien sûr – ce dessert où une meringue dorée protège une glace et un gâteau des flammes. Et aujourd'hui, ce classique fait son grand retour.

Jusqu'à récemment, à l'instar des Razr rose fluo de Motorola ou des survêtements Juicy Couture, le baked Alaska évoquait une vague nostalgie sans qu'on sache vraiment le situer. Pourtant, il est logique qu'un dessert autrefois symbole de l'extravagance de l'Âge doré retrouve sa popularité à une époque où règnent les soft-serves parsemés d'or et garnis de caviar, ou les martinis au prix d'un repas.

L'original remonte à 1876, quand Charles Ranhofer, chef du Delmonico's à New York, servit une version avec glace à la banane et gâteau aux noix épicées, qu'il baptisa d'abord « Alaska, Floride ». Inspiré probablement de l'omelette norvégienne française – une glace et un génoise enrobés de meringue –, son nom célébrait l'acquisition de l'Alaska par les États-Unis.

Pendant des décennies, ce dessert resta un incontournable des restaurants haut de gamme. « C'était le champagne des desserts », explique Laura Shapiro, autrice de *What She Ate: Six Remarkable Women and the Food That Tells Their Stories*, soulignant son côté exclusif. Jusqu'aux années 1940, on le commandait plus volontiers en steakhouse qu'on ne tentait de le préparer à la maison. Mais avec l'essor des grils électriques, des mixes à gâteau et des congélateurs domestiques dans les années 1950, il devint la clou de spectacles des dîners entre amis.

À la fin des années 1970, sa popularité déclina avec l'engouement pour des styles plus épurés. Pourtant, ces dernières années, chefs et pâtissiers ont redonné vie à son côté théâtral. Réapparu dans *Mad Men*, qualifié d'« ultime plat gay », voire crédité comme secret de longévité d'une nonne, il connaît aujourd'hui une nouvelle vague de réinventions, mêlant influences saisonnières et culturelles pour en faire une tendance à part entière.

Parmi les versions remarquables, celle du historique Gage & Tollner à Brooklyn, où l'ex-pâtissière Caroline Schiff proposa en 2018 une interprétation moderne : une meringue aérienne abritant une glace à la cerise Amarena, à la menthe fraîche et au chocolat noir, sur des miettes de cookies. À 24 $, prévu pour deux, il suffit aisément à quatre. « Les modes vont et viennent, déclare Schiff. Je vois la Gen Z porter des vêtements de mon adolescence – c'est le même principe. »

À Seattle, Johnny Courtney, chef de l'Atoma, imagina un baked Alaska saisonnier à la glace de panais rôti, meringue à l'estragon et gâteau aux carottes lors de l'ouverture du restaurant en 2023. Le plat évolue au fil des saisons – cet été, une version inspirée des cherries Jubilee, avec fruits au brandy, glace vanille maltée et gâteau au rhum. Son préféré ? Une déclinaison maïs, avec glace terreuse et meringue infusée aux feuilles de maïs. L'an prochain, il prévoit une revisite nostalgique des barres fraise des stations-service.

Plus au sud, à Carlsbad en Californie, le foyer à bois du Campfire imprègne tout son menu – y compris le baked Alaska – d'une profondeur fumée. Leur version associe un gelato vanille fumé, un gâteau de seigle, une meringue au café et de la cassis, flambée à table au Grand Marnier. « C'est un spectacle », souligne le chef de cuisine Sergei Simonov. « Les yeux des clients s'illuminent à son arrivée », ajoute le chef exécutif Eric Bost.

Au Bludorn de Houston, l'Alaska imite un feu de camp, avec des pics de meringue évoquant des flammes cachant une glace Speculoos et chocolat malté.

De ses origines dorées à ses réinventions contemporaines, le baked Alaska continue d'éblouir – preuve que certains classiques ne se démodent jamais.

C'est un dessert ludique, un classique d'antan qui ne se prend pas trop au sérieux. Le rêve du chef Aaron Bludorn ? Une version aux myrtilles et glace au cream cheese, sur une croûte de crackers Graham avec des bâtonnets de chocolat imitant du bois de chauffage.

À Washington, la pâtissière Paola Velez puise dans ses racines caribéennes pour son Baked Alaska Frío Frío au Providencia. Inspiré du granisé dominicain, il superpose fraises, matcha, nata de coco et sirops de fruits entre des couches de glace fine, le tout enrobé de suspiro – une meringue dominicaine robuste. Un biscuit María le couronne, avec des parfums variant entre kaki, banane ou raisin barbe à papa.

Le Mister A's de San Diego sert le baked Alaska depuis 1965, mais la pâtissière Amy Simpson le renouvelle avec des variations saisonnières. Cet été, une base de macaroon coco et un sorbet maison POG (fruits de la passion, orange, goyave). Ailleurs en ville, les chefs rivalisent d'originalité : Dante Romero propose une version churro à la cannelle et chocolat au Lion’s Share, tandis que Gregory Gourmet sert un Baked Haiti avec génoise coco et bavarois ananas épicé au Kann de Portland.

Outre-Atlantique, Londres suit le mouvement. Au Firebird, le dessert revisite le Victoria sponge avec une glace Earl Grey et une meringue suisse. Chez Happy Endings, Terri Mercieca crée le Love Bomb – un parfait framboise au cœur fruit de la passion, dacquoise coco et framboises lyophilisées.

L'attrait intemporel du baked Alaska tient à son trio parfait : glace, gâteau et meringue grillée. Un spectacle avec du fond, mêlant nostalgie et praticité. À l'ère de l'inflation, son côté partageable justifie son prix – surtout flambé.

S'il brille en restaurant, il reste accessible à la maison. Avec une glace du commerce et des techniques simples, chacun peut recréer la magie. Comme le note Shapiro, la rencontre du feu et de la glace fascine toujours – assurant au baked Alaska une place éternelle.

Fantaisiste, gourmand et résolument extravagant, le baked Alaska offre une finale qui impressionne immanquablement... sous les applaudissements.