Buscabulla, le duo musical formé par Raquel Berrios et Luis Alfredo del Valle—partenaires à la fois en musique et dans la vie—crée une pop onirique et texturée, mêlant des rythmes électroniques à des influences latines et des paroles riches en argot portoricain. Leur musique transporte les auditeurs à travers le temps, brouillant les frontières entre passé, présent et futur, entre fantasme et réalité. C'est particulièrement vrai pour leur dernier album, Se Amaba Así, où 12 titres tissent une histoire poignante d'amour et de déchirement.
Les deux premiers singles, "Camino" et "Miraverahi," donnent le ton—Berrios y chante son errance dans l'obscurité au coucher du soleil, avant de demander à son partenaire : "Réfléchis et dis-moi comment tu feras si je pars et ne reviens jamais." Compte tenu de leur relation de longue date (ils ont un enfant ensemble) et du "moodboard" pré-sortie de l'album sur Instagram—rempli de vieilles chansons de salsa et de pop évoquant un amour dévorant (ce que les Portoricains appellent corta venas)—, j'ai supposé qu'il s'agissait d'un album-concept, une telenovela musicale.
Mais lorsque j'ai évoqué cette idée lors de notre rencontre dans leur label à Brooklyn, del Valle m'a corrigé : "En réalité, c'est tout le contraire. C'est l'œuvre la plus personnelle que nous ayons jamais créée. Nous parlons de notre relation—les combats, l'amour, la parentalité, l'amitié."
Berrios a ajouté : "C'est intéressant que tu l'aies perçu ainsi. Il y a une narration, mais nous voulions qu'elle ait une dimension cinématographique, avec une touche de fantaisie. Pourtant, elle s'enracine dans nos vies réelles." Leur franchise a transformé ma compréhension de l'album. Si les couples musicaux explorant leur relation n'est pas nouveau, leur vulnérabilité brute résonne différemment.
Ce n'est pas la première fois qu'ils puisent dans leur expérience personnelle. Leur premier album, Regresa (2020), retraçait leur retour à Porto Rico après des années passées à New York (où ils s'étaient rencontrés dix ans plus tôt). Sorti au plus fort de la pandémie, ce qui aurait dû être un moment de célébration est devenu un défi. "Sortir un album à ce moment-là était fou," se souvient Berrios. "C'était un retour à la communauté, mais professionnellement, ça a été dur." Privés de tournée, ils ont fait preuve de créativité—comme filmer NPR’s Tiny Desk depuis leur voiture sur une plage d'Aguadilla, tandis que leur groupe jouait à distance. Ils ont enfin pu tourner fin 2021 et sont retournés en studio au printemps suivant, sans idée précise de leur direction. "Nous n'avions plus d'élan," admet Berrios—"puis Bad Bunny a appelé."
La superstar portoricaine les a invités à collaborer sur "Andrea," un titre phare de son album record de 2022, Un Verano Sin Ti. "Ça nous a confirmés," dit Berrios. "Après des années à publier de la musique, entendre quelqu'un dire : ‘Je veux que le monde vous connaisse’—ça a été un électrochoc. On s'est dit : continuez, ça ira."
De retour en studio en 2024, ils ne prévoyaient pas d'écrire aussi ouvertement sur leur relation. "Il y a eu un moment où Raquel m'a dit : ‘Je pense que cet album devrait parler de nous.’ J'étais hésitant au début, car ce n'était jamais l'approche du groupe," explique del Valle. "Mais c'étaient les chansons que Raquel écrivait." Alors que Berrios poursuivait l'écriture, ils ont réalisé que son point de vue était nécessaire pour équilibrer le récit de l'album. "Elle m'a vraiment poussé," reconnaît del Valle.
Le résultat ? Deux ballades inspirées du boléro : "El Empuje," où il supplie sa bien-aimée de résister aux pressions de la vie avant d'avouer que c'est peut-être lui qui ne tient plus, et "Mortal," où il chante "Je ne suis pas en fer, je suis un homme mortel" sur un solo de guitare luxuriant façon années 80. Ils ont écrit avec honnêteté et précaution, conscients de la nature intime des textes. "Ce n'était pas facile—comme tout album, mais ça ressemblait à une thérapie de couple," confie Berrios. "On a tout mis sur la table, puis on a édité : ‘Pas ça, pas ça…’"
L'honnêteté est devenue le thème central de l'album. Le titre éponyme, "Se Amaba Así" ("C'est comme ça qu'on s'aimait"), en est le cœur et le point culminant émotionnel. "La chanson est de mon point de vue, mais reflète aussi l'amour de mes parents—comment je les voyais, et comment j'aime moi aussi," explique Berrios. (Son père est décédé avant l'enregistrement, et son influence musicale a plané sur tout le processus.) Elle chante : "Il était un roc, elle était du papier, toujours en train de s'éloigner… un jour, elle est partie, et il est resté. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pleuré—je suppose que je m'y suis habituée et j'ai cru que c'était comme ça qu'on aimait." Del Valle harmonise dans le refrain, tandis que leur fille improvise les mélodies envoûtantes de l'outro. "C'est cathartique," dit Berrios. "L'album commence par des plaintes, mais ici, tout prend sens."
La profondeur émotionnelle de l'album est égalée par sa sonorité riche. "Nous voulions plus de gravité—des violons, des guitares espagnoles, des choses que nous n'avions jamais essayées," explique del Valle. Celles-ci se mêlent à leurs synthés et beats électroniques signature, inspirés par des icônes espagnoles comme Mecano. "C'est maximaliste, dramatique—comme une telenovela," ajoute-t-il. "On a pensé à la musique des trios, aux power ballades des années 90 de Cristian Castro et Luis Miguel—cette passion brute. Les gens aimaient si librement avant, mais ça s'est perdu." Buscabulla est là pour le ramener. Bienvenue dans l'été des émotions intenses.
Se Amaba Así de Buscabulla est disponible maintenant.
Photo gracieuseté de Domino Recording Company