Cannes ne serait pas Cannes sans ses gros ratés audacieux. L’édition de l’année dernière en a compté plusieurs — *Megalopolis* de Francis Ford Coppola, *Emilia Pérez* de Jacques Audiard, *Parthenope* de Paolo Sorrentino et *The Shrouds* de David Cronenberg, pour n’en citer que quelques-uns. Cette année, malheureusement, l’un d’eux est *Die My Love* de Lynne Ramsay, très attendu, un drame cru sur une femme en plein effondrement, avec Jennifer Lawrence, Robert Pattinson, Sissy Spacek et LaKeith Stanfield.
Au vu de la filmographie acclamée de Ramsay — *Ratcatcher*, *We Need to Talk About Kevin*, *You Were Never Really Here* — et du casting prestigieux, le film semblait prometteur pour la Palme d’Or, voire les Oscars. En réalité, il n’est ni l’un ni l’autre.
Le film présente Grace (Lawrence) et Jackson (Pattinson), un couple glamour vivant dans une ferme délabrée héritée de l’oncle défunt de Jackson. Anciens New-Yorkais aux rêves artistiques — elle veut écrire un roman, lui enregistrer un album —, ils comptent profiter de leur nouvel espace. Mais rien ne se passe comme prévu. Un montage frénétique les montre danser sauvagement et faire l’amour désespérément au sol. Bientôt, Grace est enceinte, et leur fils Harry a six mois. Leur vie autrefois libre tourne désormais autour du bébé, et ils s’éloignent l’un de l’autre.
Alors que leur relation se délite, Grace rend visite à Pam (Spacek), la mère perturbée de Jackson, qui marche en somnambule sur la route avec un fusil depuis la mort de son mari. Grace s’obsède aussi pour un motard (Stanfield) qui rôde près de chez eux. Pire encore, Jackson ramène un chiot hyperactif qui aboie toute la nuit pendant que le bébé pleure — et lui dort comme un loir.
Tous les ingrédients d’une descente aux enfers sont réunis : infidélité, tentative de réconciliation avortée, puis tout s’écroule spectaculairement.
Pourtant, ce chaos manque cruellement de profondeur. Grace et Jackson hurlent et se disputent — leur relation commence sur ce ton et y reste — mais on ne comprend jamais vraiment pourquoi, au-delà des pressions vagues de la parentalité et du mariage. Leur dynamique, centrale au film, manque de complexité, et aucun des deux personnages ne semble vraiment crédible. Difficile de les croire épuisés par leur rôle de jeunes parents quand ils ressemblent toujours aux modèles Dior parfaits qu’ils sont dans la vraie vie.
Cela n’empêche pas Lawrence de se donner à fond. Elle rampe dans l’herbe comme un prédateur, aboie après le chien, fracasse des vitres, gratte les murs jusqu’à ce que ses ongles saignent, et dans un moment surréaliste, peint distraitement avec son lait maternel après avoir nourri son bébé.
Ces excès sont la marque de fabrique de Lawrence — de *Silver Linings Playbook* et *American Hustle* à *Mother!* — et elle s’investit totalement dans ce rôle de force destructrice. Mais dans les scènes plus calmes, ses motivations restent obscures.
Certains critiques à Cannes prédisent déjà une campagne aux Oscars pour elle en 2026. Si le récit d’un retour en grâce s’impose (12 ans après sa victoire et une décennie depuis sa dernière nomination), c’est possible. Mais *Die My Love* ne tient pas ses promesses. Malgré son étrangeté, sa performance est du pur Oscar bait. Cela dit, vu que Nicole Kidman, dans un rôle tout aussi déchaîné et souvent nu dans *Babygirl*, n’a pas été nominée récemment, rien n’est garanti.
Ailleurs, Spacek est divertissante et Pattinson se donne à fond, mais tous deux — comme Lawrence — sont trahis par le scénario. Adapté librement du roman d’Ariana Harwicz par Ramsay, le dramaturge Enda Walsh et Alice Birch (scénariste de *Conversations with Friends*), le film évoque un trauma sans vraiment l’explorer. Le montage est frénétique, l’image frappante, mais rien ne masque le manque de profondeur.
Tout n’est que provocation vide — un chaos d’idées jetées en vrac, pleines de bruit et de fureur mais finalement dénuées de sens. Le résultat ressemble à une version plus prétentieuse et arthouse de *Nightbitch*, le film imparfait de Marielle Heller avec Amy Adams sur la dérive d’une mère.
Nous avons absolument besoin de plus de films explorant les luttes brutes et inavouées de la maternité, mais *Die My Love* — un calvaire de deux heures qui a endormi la moitié de la salle à Cannes (impressionnant pour un film si bruyant) — n’est pas celui-là.