Ai-je fait quelque chose de gênant ? Pourquoi ai-je dit ça ? Pourquoi ai-je agi ainsi ? Ces pensées sont devenues ma bande-son mentale habituelle après les rencontres sociales ces dernières années.

Autrefois, mon anxiété sociale surgissait avant ou pendant les interactions. Mais récemment, j’ai remarqué que même si je me sens détendu avant de voir des amis et que je profite pleinement de leur compagnie, l’anxiété m’envahit une fois rentré chez moi. Je me mets à disséquer mon comportement, obsédé par chaque détail qui m’a semblé maladroit. C’est un cercle vicieux – comme une gueule de bois de regrets post-socialisation.

Réfléchir après une interaction sociale n’est pas mauvais en soi, explique Amanda di Bartolomeo, docteure en psychologie clinique spécialisée dans l’anxiété sociale et basée à Los Angeles. Faire partie d’une communauté implique d’apprendre et d’ajuster nos interactions. Mais si cette réflexion se limite à ressasser les moments gênants et alimente la honte ou l’autocritique, elle devient improductive, ajoute Janeé Steele, psychologue clinicienne à Kalamazoo, dans le Michigan.

Les deux spécialistes qualifient ce phénomène de rumination post-événement. Pour Steele, il s’agit du « processus de repasser compulsivement une situation sociale après coup, en se focalisant sur les erreurs perçues ou les moments maladroits ».

Elle précise : « Si vous y pensez encore longtemps après, si ces pensées perturbent votre humeur ou votre quotidien, si elles vous poussent à éviter les futures interactions, ou si elles vous empêchent de vous concentrer sur autre chose, c’est le signe que vous basculez dans la rumination. »

Cette rumination est liée au trouble d’anxiété sociale, qui touche environ 7,1 % des adultes américains, contre 3,1 % pour le trouble d’anxiété généralisée. Cependant, Steele souligne que toutes les personnes anxieuses sociales ne vivent pas ce type de rumination.

Pourquoi certaines personnes ruminent-elles après un événement social ?

Les personnes souffrant d’anxiété sociale craignent souvent le jugement négatif ou la honte en public, expliquent Steele et di Bartolomeo. Dans ces situations, le cerveau peut tenter de vous protéger en anticipant les pièges ou en cherchant des “preuves” d’erreurs.

Steele compare la rumination post-événement à une sur-préparation : éplucher chaque interaction pour identifier ce qui “a mal tourné” afin de l’éviter à l’avenir. Personnellement, une partie de moi croit que ressasser les moments gênants ancrera la honte, m’empêchant de répéter les mêmes erreurs.

Di Bartolomeo ajoute que certaines personnes peuvent ressentir un soulagement temporaire de leur anxiété en ruminant – une illusion du cerveau qui donne l’impression d’”agir” contre cette anxiété.

Comment gérer la rumination post-événement ?

1. Reconnaître son inutilité
Lorsque vous vous surprenez à ruminer, stoppez-vous et identifiez ce mécanisme comme improductif. Rappelez-vous que ressasser ne fait qu’alimenter la détresse, conseille Steele.

Si vous tentez de justifier la rumination comme une “préparation” pour la prochaine fois, souvenez-vous qu’une autocritique constante et la peur du jugement rendent plus difficile d’être pleinement présent lors des futures interactions. Quand vous n’êtes pas engagé avec les autres, socialiser devient encore plus compliqué. Trop réfléchir se retourne souvent contre vous, rendant les échanges malaisants. Une autocritique permanente peut aussi mener à l’évitement social, vous privant des compétences nécessaires pour y faire face, explique Steele.

Alors, comment stopper cette habitude ? Simplement dire “Je suis en train de trop réfléchir” peut être puissant, selon Steele. Cela aide à prendre conscience du schéma et à choisir comment avancer.

### 2. Adopter un regard objectif, comme un scientifique
Une autre méthode pour briser le cycle est d’examiner les moments gênants avec plus de distance. Di Bartolomeo suggère trois questions :
– Quelle preuve montre que j’ai vraiment raté socialement ?
– Quelles autres raisons pourraient expliquer la réaction de l’autre ?
– Quelle preuve démontre que je n’ai pas raté ?

Prenez le temps d’écrire vos réponses ou de les dire à voix haute. Une note écrite ou un enregistrement vocal peut vous rappeler les faits quand la rumination recommence.

### 3. Se distraire pour interrompre le cycle
Tournez-vous vers une activité qui vous plaît. Di Bartolomeo recommande de couper court aux pensées obsessives en vous plongeant dans une occupation captivante : lecture, film préféré, peinture, pâtisserie, course, appel à un proche, ou même ménage. Idéalement, choisissez une activité qui vous sort physiquement de l’environnement où vous ruminiez.

### 4. Consulter un professionnel si nécessaire
Si ces stratégies ne suffisent pas, Di Bartolomeo et Steele conseillent de consulter un thérapeute spécialisé en anxiété sociale. Il pourra vous fournir des outils supplémentaires pour gérer la rumination.